France – Vendredi 08/07/2016 – Quotidienne energiesdelamer.eu.
Feu vert des préfets pour les trois premiers parcs d’éoliennes en mer d’EDF Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), Fécamp (Seine-Maritime) et Courseulles (Calvados), de l’appel d’offres lancé il y a 5 ans.
Les causes et effets de ces Feux verts
Au regard de l’ancienneté du premier volet d’appel d’offre de 6MW (juillet 2011) (1), l’industrie, les collectivités et les citoyens, qui souhaitent répondre aux enjeux de la transition énergétique, pourraient se réjouir, mais !
La minorité agissante a-t-elle plus de pouvoir que l’Etat ?
Petit rappel du NIMBY
. Chacun a encore à l’esprit le premier lauréat de l’appel d’offre avec le projet « dit Côte d’Albâtre » à Veulettes-sur-Mer remporté par Enertrag avec des éoliennes Multibrid (aujourd’hui ADWEN). Après cinq ans ou six ans de procédures, tous les recours contre le projet ont été retoqués, mais Enertrag a jeté l’éponge. Les premières démarches commencées en 2002… ont fini par trouver leur limite à la fin de 2010 (article du 23/10/2009).
Un poker menteur?
Ce n’est pas tout à fait comparable, mais les amalgames brouillent les meilleurs esprits. La question que l’on peut se poser devant toutes les contraintes et les étapes à surmonter en France pour avancer vers une énergie bleue est : peut-on y arriver sans rendre l’addition insurportable?
En France, les premiers appels d’offres d’éoliennes en mer (six champs d’environ 500 MW chacun) ont été attribués autour de 200 euros/MWh, comprenant aussi des engagements de production locale (turbines, pales ou mâts) pour faire émerger une filière industrielle. Ainsi que l’indique Vincent Balès de wpd: « L’intelligence des Pays-Bas a été sa politique de programmation. Ils ont identifié un gisement de 3,5 gigawatts et ont fait des trains d’appels d’offres en annonçant 700 MW attribués chaque année, avec un prix plafond qui baisse à chaque fois ». Le ministre des Affaires économiques néerlandais a annoncé avoir octroyé à DONG Energy une concession de 700 mégawatts (MW). Dong avait proposé pour l’emporter de se faire payer 72,70 euros par mégawattheure (MWh) produit (hors raccordement) sur les champs de Borssele 1 et 2, pendant quinze ans. Le leader mondial du secteur « enfonce » ainsi le seuil des €100 MWh, raccordement compris, que s’était fixé la profession pour l’horizon 2020. En y ajoutant le coût de la transmission d’électricité à terre (câbles et sous-stations électriques), évalué entre €15 et 20 MWh, l’appel d’offres néerlandais passe en effet très significativement sous la barre des €100MWh, ajoute Vincent Balès, directeur général de WPD Offshore France.
L’Etat français a-t-il mis le curseur au bon endroit lorsqu’il a lancé les appels d’offres ?
Probablement “no”, à la fois par manque d’expérience et par méconnaissance des contraintes du domaine maritime, du manque de planification et de stratégie.
Pourtant, l’administration a progressé et simplifié « récemment » les mesures administratives sans nuire au bon fonctionnement de la démocratie. Les organismes comme Cluster maritime français, des associations, des syndicats professionnels FEE et les SER, le GICAN … les industriels, les collectivités … ont entrepris des démarches vers les pouvoirs publics et le grand public. Les débats du CNCP sont importants et ouverts.
Il n’était pas impossible d’espérer que les citoyens mieux informés et désireux d’aller vers un avenir « Bleu » comprendraient et s’approprieraient les enjeux de la filière éolienne en mer. Mais ce n’était sans doute pas suffisant. Car rien n’est gagné… ni pour la baisse des prix devant les incertitudes que fait courir la levée des risques dûe aux possibles recours, ni pour la rapidité entre « le dire et le faire » même si la ministre Ségolène Royal et les ministères concernés « poussent, simplifient, « co-financent avec les contribuables et l’Europe»… ».
Nouvel épisode et dernière étape ? Les opposants ont maintenant la possibilité de saisir la cour d’appel administrative de Nantes à compter de la publication des arrêtés préfectoraux « autorisant l’implantation et l’exploitation » de ces parcs situés au large de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), Fécamp (Seine-Maritime) et Courseulles (Calvados).
Les dates pour déposer les recours
. 25 juillet pour Saint-Nazaire. Les recours contre le projet de 480 MW (80 éoliennes à 12 km des côtes) doivent être déposés au plus tard à cette date. D’après Le Point l’association Prosimar, membre du réseau Pulse (Pour un littoral sans éolienne), expliquait mardi ne pas avoir pour l’heur les fonds nécessaires.
. 22 août pour Fécamp. (83 éoliennes produisant 498 MW à 13 km des côtes). Les opposants ont jusqu’au 22 août pour saisir la justice, un recours est juste « envisagé », selon l’association locale du réseau Pulse.
. 10 octobre pour Couseulles sur Mer. L’association Libre Horizon qui s’est rapprochée de deux collectifs Belle-Normandie et Pulse, (75 éoliennes développant 450 MW à 10 km des côtes) a pris comme avocat Francis Monamy. Rappelons que maître Monamy a obtenu en 2014 l’annulation du schéma régional éolien d’Ile-de-France. Robin des bois préparerait également un recours contre Courseulles qu’elle considère « surdimensionné », et « pourrait menacer la biodiversité et la sécurité des navires ».
France nature environnement de son côté est favorable aux trois projets qui prévoient des suivis environnementaux mais restera « vigilante » sur leur mise en oeuvre.
EDF Energies Nouvelles doit prendre sa décision finale d’investissement sur les trois parcs au premier semestre 2017, pour une mise en service en 2020, sauf recours. Le groupe mène ces projets en partenariat avec le canadien Enbridge et GE.
Autres dates autres procédures
Pour Saint-Brieuc, mené par l’espagnol Iberdrola avec Adwen (co-entreprise Gamesa – Areva, l’enquête publique préalable à l’arrêté préfectoral d’autorisation doit démarrer le 4 août 2016 et durer deux mois. La mise en service est annoncée pour 2020.
Ces quatre parcs représentent un investissement de 2 à 2,5 milliards d’euros chacun.
Deux autres projets, menés par Engie, ont été retenus, en 2014, par le gouvernement, au large du Tréport (Seine-Maritime) et des îles d’Yeu et de Noirmoutier (Vendée). La mise en service est envisagée à partir de 2021…. et prochainement un appel d’offres sera lancé pour la zone de Dunkerque qui bénéficiera du retour d’expériences des consortia qui ont essuyé les plâtres.
Des chiffres
L’étude de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) ne cesse d’être utilisée comme leitmotiv. Le potentiel total théorique de production énergétique par les énergies marines dans le monde est estimé entre 20.000 et 90.000 TWh/an. A titre de comparaison, la consommation mondiale d’électricité est de l’ordre de 16.000 TWh/an.L’Europe totalisait fin 2015, 3.230 éoliennes offshore réparties dans 84 parcs dans 11 pays (en incluant les sites en construction), pour une capacité cumulée de 11.027 MW, soit l’équivalent d’environ 11 réacteurs nucléaires et 1,5% de la consommation électrique totale de l’UE et la France « ZERO ».
De toutes les manières on ne peut que continuer à avancer. Du reste lundi prochain la France aura peut-être gagnée la coupe de l’Euro et mais ce qui est sûr est que Pascal Canfin, Gérard Mestrallet et Alain Grandjean, autre bonne nouvelle, remettront à la ministre Ségolène Royal et présidente de la COP21, leur rapport définitif sur la tarification du carbone au niveau européen, considéré comme une priorité pour engager la transition vers une économie bas-carbone.
Brigitte Bornemann
1 – Deuxième volet de appel d’offres, lancé en mars 2013 dont les résultats ont été annoncés en mai 2014
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