France (U.E) Jeudi 21/03/2013 energiesdelamer.eu 

 

 

« L’énergie à découvert » qui est publié sous la direction de Rémy Mosseri et de Catherine Jeandel (1) contient près de 130 contributions de scientifiques de différentes disciplines. Ce livre paraît au bon moment alors que deux débats sont en cours. 
 
 
L’un est sur la transition énergétique (2). Il est géré directement par le gouvernement. L’autre est sous la responsabilité de la Commission Nationale du Débat Public et des Commissions particulières de Débat Public amènent les maîtres d’ouvrage à présenter leurs projets devant un public attentif et interrogateur. Le Débat public se déroule dans le cadre des saisines déposées par les deux maîtres d’ouvrage des quatre parcs éoliens offshore qui ont été retenus le 6 avril 2012. Ils permettrons d’ici 2020 de produire près de 3 GW (3). Le premier débat pour Courseulles-sur-Mer a été lancé hier. La Présidente de la Commission pour Courseulles-sur-Mer est Claude Brévan. Tout le monde connaît la justesse avec laquelle elle sait méner les réunions, aider les maîtres d’ouvrage a communiquer des informations avec transparence et faciliter le public à poser des questions.

 

Le gouvernement souhaite qu’ « une attention particulière soit portée sur les enjeux sociaux et économiques des transitions industrielles et professionnelles, ainsi que sur les reconversions territoriales de la transition énergétique ». Ce livre aidera de nombreux élus, politiques et citoyens à comprendre les enjeux alors que l’absence des scientifiques est presque remarquée.

 

 

 

 

Rémy Mossery : Le livre « Climat à découvert » répondait à une commande du président du CNRS, en réponse à une demande des climatologues français, excédés par les attaques dont ils étaient alors l’objet. L’idée était de faire parler, dans une langue compréhensible, les spécialistes du monde académique, sur leurs méthodes et outils de recherches, pour éclairer leurs résultats. A partir de là, je pense que de nombreux sujets, où questions scientifiques et intérêt sociétal se rencontrent, mériteraient d’être abordés de cette façon. Parmi ceux-ci, il nous a semblé avec Catherine Jeandel que l’énergie était dans la continuité naturelle de l’ouvrage précédent.
 

 

BB – La transition énergétique répond-elle ou anticipe-t-elle un changement d’ère ou est-ce la crainte du nucléaire qui permet l’émergence de nouvelles technologies pour produire de l’électricité à partir d’énergies décarbonnées? 
 

 

RM – La question de la transition énergétique, au plan mondial, est largement portée par les impacts environnementaux, mais aussi géo-politiques, des filières fossiles, et les interrogations sur la quantité de ressources disponibles. Le nucléaire, s’il est très important en France, ne représente qu’un peu plus de 10% de la production d’électricité dans le monde. Maintenant, il parait assez clair que l’impact de l’accident de Fukushima sur l’opinion publique a joué un rôle dans le fait que la transition énergétique fasse une place importante aux énergies renouvelables. Sur le plan scientifique, il faut rappeler que le temps propre de la recherche fondamentale est en général sensiblement plus long que le temps des politiques. Les innovations scientifiques sur les problèmes énergétiques vont alors souvent se retrouver au croisement de progrès accumulés et plus anciens, par définition peu programmables, et de l’accélération apportée par une attention sociétale et politique plus appuyée, et donc des moyens supplémentaires et plus ciblés. 
 

 

BB – La transition énergétique est-elle une « opportunité politique, économique et sociale »?

 

 

 

RM – Les historiens nous apprennent que l’histoire de l’énergie est une clé de lecture des évolutions sociétales. Il parait probable qu’une utilisation accrue des EnR aura un impact bien au-delà de la filière énergétique elle-même. C’est l’un des enjeux du débat en cours, pour les tenants d’une telle évolution, de convaincre des opportunités, là où les opposants insistent plutôt sur les difficultés.
 

 

BB – Quelle est la place du scientifique dans le débat public sur la transition énergétique et le projet de loi de programmation qui doit la faciliter?
 

 

RM – Cette place est faible dans l’organisation du débat national. On peut néanmoins penser que des scientifiques seront assez largement invités pour contribuer à éclairer les nombreux débats publics qui sont prévus.
 

 

BB – Ce livre souhaite-t-il réaffirmer dans le cadre du débat sur la transition énergétique le rôle de l’expertise scientifique face aux questions, aux réflexions et aux nouveaux enjeux économiques, sociaux et politiques?
 

 

RM – L’expertise scientifique est certainement indispensable pour accompagner la transition énergétique. Chiffres et indicateurs divers sont manipulés à tour de bras, sans que le citoyen ait toujours les moyens de s’y retrouver, alors qu’il devrait être informé de façon fiable sur les promesses, les verrous et les limites et les impacts des filières de production et de stockage et de distribution de l’énergie. Et dans le cas de l’énergie, où l’on n’a pas une communauté scientifique unique, mais plusieurs, la diversité des questions invite d’ailleurs à relativiser les éventuelles prétentions à une expertise individuelle de type généraliste, et à discuter de l’intérêt, mais aussi des difficultés, d’une exper­tise collective. C’est l’objet de cet ouvrage que de réunir les meilleurs spécialistes, en leur demandant à chaque fois de résumer, à destination large, leur domaine. Mais la science est vécue aujourd’hui de façon souvent duale, entre espérance et soupçon. Nous devons alors préciser le sens d’une expertise indé­pendante, et se donner des règles, comme par exemple bien séparer, dans le propos de l’expert, ce qui ressort des faits scientifiques, de convictions, ce qui reste soumis aux hypothèses d’un scénario, et ce qui relève plutôt d’une simple opinion.

 

 

 

BB – Vous semble-t-il que les scientifiques ont besoin d’avoir une parole politique pour accompagner ce changement de mode vie?
 

 

RM – Il faudrait probablement définir plus précisément ce qu’on entend par « parole politique ». Le scientifique est aussi un citoyen, et à ce titre invité à participer à la vie politique. Il ne devrait pas s’interdire de contribuer à introduire des éléments de rationalité dans la vie publique, sur les terrains qu’il connaît. Mais science et politique ne répondent pas aux mêmes règles, de fonctionnement comme de validation. Les scientifiques doivent y prendre garde. La question du rapport entre politique et science est autant complexe qu’importante, et mériterait certainement un plus long développement. Ainsi, pourrions-nous discuter de l’indépendance académique, nécessaire pour la dynamique interne de la science, mais qui s’impose aussi comme une nécessité démocratique, pour une société sans cesse confrontée à des choix à fort contenu scientifique et technique.
 

 

BB – Au niveau de la formation, le problème de la chaîne des compétences semble être un point crucial pour répondre aux futures offres d’emploi ? Comment percevez-vous à travers les différentes contributions des auteurs du livre les besoins de formation?
 

 

RM – La question des métiers n’est pas abordée en tant que telle dans l’ouvrage, alors qu’elle est certainement cruciale pour l’avenir (et insuffisamment mise en avant dans le grand débat actuel). Mais la grande diversité des sujets et des techniques décrites pourraient être utiles pour tous ceux qui voudraient avoir une vue d’ensemble des compétences scientifiques attendues. Un papier de l’ouvrage traite néanmoins des problèmes posés par l’enseignement de l’énergie, que ce soit au collège, au lycée ou à l’université.

 

 

 

BB – Cécile de Hosson et Luc Valentin titre leur chapitre « Enseigner l’énergie à la fois comme concept scientifique et comme bien public ». S’agit-il de « refonder » un enseignement des sciences de la nature et des sciences humaines au moment où la transition énergétique ouvre de nouvelles perspectives et de nouveaux horizons?
 

 

RM – L’objectif des auteurs est de pointer, pour l’enseignant, une difficulté, qui doit exister pour d’autres concepts, mais qui est particulièrement prégnant pour l’énergie. Alors même que tout un chacun pense savoir de quoi on lui parle avec ce mot, sa définition savante n’est pas si aisée. Conjuguer savoir « savant » et savoir « utile » est une question didactique complexe, et qui prend bien sûr des formes différentes en fonction des niveaux scolaires.
 

 

Propos recueillis par Brigitte Bornemann
 
 

 

1 – Catherine Jeandel est Directrice de recherche au Laboratoire d’étude en géophysique et océanographie spatiales (Legos) à Toulouse, Rémy Mosseri est Directeur de recherche au Laboratoire de physique théorique de la matière condensée (LPTMC – UPMC-CNRS. Jussieu)
 

 

2 – Débat en trois étapes : une phase d’information de novembre à décembre 2012 ; une phase de participation du grand public de janvier à avril 2013 avec l’appui d’un site internet dédié, une phase de synthèse et d’élaboration de recommandations en mai 2013, qui débouchera sur un projet de loi de programmation en juin 2013.
 

 

3 – Aurélien Barbarit – Ecole Centrale de Nantes est l’auteur dans « L’énergie au découvert » du chapitre sur les énergies marines.Il dirige le Laboratoire de recherche en Hydrodynamique, Énergétique et Environnement Atmosphérique (LHEEA) de l’École Centrale de Nantes. Vous pouvez lire son interview dans le Daily News 363 de mer-veille.com,  paru ce jeudi 21 mars 2013 : « La course à l’AMI (Appel à Manifestation d’Intérêt) pour les énergies houlomotrices et hydroliennes ». 
Potentiel annuel exploitable (TWh/an) auxquelles s’ajoutent les éoliennes posées et flottantes en mer.
Energie marémotrice et des courants de marée       800
Energie des vagues                                             23 000
Energie thermique des mers                                10 000
Gradients de salinité                                               2000 
Total                                                                     29 800
 
 

mer-veille.com

Daily News n°363 – 21/03/2013 – Nantes, France (U.E.) – Aurélien Babarit est connu dans le monde du houlomoteur comme étant l’un de ses brillants chercheurs en France. Il dirige aujourd’hui une équipe de 18 personnes qui travaillent sur la houle et la récupération de l’énergie des vagues. Il a participé à la rédaction d’un chapitre du livre « L’énergie à découvert » …

To morrow
marine-renewable-energy.com et la veille energiesdelamer.blogspot.com publieront le bilan des deux journées organisées à Londres par Wind Energy update sur la Supply Chain

  


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