Chine Allemagne France – Jeudi 15/04/2021 – energiesdelamer.eu. Une équipe internationale dirigée par l’Université de Xiamen, en Chine, et associant le Laboratoire d’océanographie de Villefranche (Sorbonne Université/CNRS) et le Centre pour les matériaux et la recherche côtière (Helmholtz-Zentrum hereon GmbH, Allemagne) a mis au point une nouvelle technique pour déterminer, de façon plus fiable, le niveau de pollution par les eaux usées des eaux marines côtières, des lacs et des rivières.
Les résultats sont publiés dans la revue scientifique Science Advances.
Dans leur étude, les scientifiques décrivent une nouvelle technique pour améliorer la mesure conventionnelle de la pollution de l’eau appelée « demande biologique en oxygène » (DBO).
Cette nouvelle technique de mesure de la DBO présente l’avantage de faire toutes les mesures sur un même échantillon d’eau et de déterminer la consommation d’oxygène sans interférer avec l’échantillon. En effet, cette nouvelle technique permet d’insertion d’un capteur optique d’oxygène dans le récipient. La teneur en oxygène peut ainsi être mesurée en continu directement dans chacun des échantillons, sans les perturber, offrant une mesure beaucoup plus précise et plus facile de la DBO.
Questions à Louis Legendre professeur émérite à Sorbonne Université et chercheur au Laboratoire d’Océanographie de Villefranche
Quels sites ont été étudiés et sont mentionnés dans la revue scientifique Science Advances qui vient d’être publiée ?
Louis Legendre – Dans la revue, nous présentons notamment des données de la «demande biologique en oxygène» DBO du fleuve Han, en Corée du Sud. Nous faisons aussi état de résultats semblables pour le lac Biwa, au Japon, et un ensemble de rivières de la Finlande. De plus, nous avons analysé, un grand nombre de données de DBO et de DCO «demande chimique en oxygène» (DCO), venant d’Amérique du Nord, de Grande-Bretagne et d’Asie, certaines tirées de la littérature et d’autres que nous avons générées nous-mêmes, qui vont dans le même sens que les précédentes.
Le lac Biwa, que je cite, est situé près de la ville historique de Kyoto. C’est le plus grand lac du Japon. J »y ai fait des recherches en collaboration avec des collègues japonais, sur d’autres sujets que la DBO, au cours des années 1990, notamment la production biologique de ce lac.
Vous évoquez des études extraites de la littérature. Jusqu’à quelle date avez-vous pu remonter ?
LL – Certaines des études qui ont produit les données que nous avons tirées de la littérature ont commencé à la fin des années 1970. Les collègues chinois ont commencé nos propres travaux il y a 4 ans.
Les recherches qui font l’objet de l’article ont elles fait l’objet de thèses ?
LL – Il n’y a pas eu de thèse réalisée dans le cadre de cet article. Celui-ci repose sur une grande synthèse de très nombreuses données, qui implique 34 auteurs.
Quelles sont les retombées attendues de ces recherches en réseau ?
LL – La principale retombée pourrait être l’utilisation préférentielle de la méthode de la DBO pour déterminer la pollution des eaux naturelles par la matière organique. En effet, la méthode de la DBO donne des informations plus pertinentes que la DCO sur la pollution et les mesures de DBO deviendraient plus facile à réaliser qu’actuellement grâce à la technique décrite dans notre travail.
Est-ce que des entreprises collaborent avec votre laboratoire dans le cadre des recherches que vous avez publiées dans l’article ?
LL – Non.
Le Gouvernement japonais vient d’annoncer le rejet potentiel des eaux polluées de l’accident nucléaires de Fukushima. Les mesures (DCO) et (DBO) peuvent-elles être mesurées ?
LL – Les eaux qui seront rejetées du site de Fukushima sont polluées par des substances radioactives, qui n’affectent pas la demande d’oxygène. Il faudrait consulter des spécialistes de la pollution radioactive pour connaître l’effet potentiel de ces rejets sur le milieu marin.
Présentation de l’article – Source : Sorbonne Université
Lorsque les eaux usées domestiques se déversent dans les rivières, les lacs puis dans l’océan, elles y apportent des quantités considérables de résidus ménagers, de matières fécales et d’autres substances organiques, qui contiennent tous du carbone. Ces substances sont éliminées par des bactéries dont la respiration consomme de l’oxygène dissous dans l’eau. Plus la quantité d’eaux usées est importante, plus les bactéries prolifèrent et plus elles consomment d’oxygène. En conséquence, la teneur en oxygène de l’eau diminue progressivement, pouvant conduire à l’asphyxie de la faune aquatique et à la création de zones dites « mortes » rencontrées dans plusieurs rivières, lacs et eaux côtières du monde.
Afin de mesurer le niveau de pollution des eaux par la matière organique, les organismes gouvernementaux et les chercheurs universitaires prélèvent régulièrement des échantillons d’eau pour y mesurer des indicateurs appelés « demande chimique en oxygène » (DCO) et « demande biologique en oxygène » (DBO). Le premier permet de déterminer rapidement la teneur en substances organiques via une réaction chimique. Le second requiert, quant à elle, plusieurs jours et reflète l’activité microbienne.
L’étude menée par l’équipe internationale, qui comprend 34 auteurs, montre que la méthode chimique (DCO) fournit des valeurs qui ne permettent pas d’établir le degré réel de pollution de l’eau. En effet, cette méthode ne distingue pas les substances organiques provenant des eaux usées et rapidement consommées par les bactéries, de celles naturellement présentes dans les eaux des lacs et rivières et peu ou très lentement utilisées par ces micro-organismes. « À titre d’exemple, les données de la DBO du fleuve Han, en Corée du Sud, montrent que la pollution organique y a diminué au cours des vingt dernières années. En revanche, les mesures de la DCO sont demeurées très élevées pendant toute la période car, dans ce cas-ci, des substances naturelles non dégradables par les bactéries constituent une grande partie de la
Des analyses biologiques compliquées
Afin de mesurer de manière fiable la pollution réelle de l’eau, on utilise la méthode fondée sur la demande biologique en oxygène (DBO). Elle consiste à prélever tout d’abord des échantillons d’eau pour y mesurer immédiatement la teneur en oxygène de l’eau sur une partie des échantillons, qui sert de valeur initiale. En parallèle, un ou plusieurs autres prélèvements sont laissés au repos, fermés hermétiquement durant cinq jours. Pendant ce laps de temps, les bactéries décomposent les substances organiques contenues dans ces prélèvements et consomment une partie de l’oxygène dissous dans l’eau. Après les cinq jours, la teneur en oxygène de ces prélèvements est mesurée. La DBO est calculée en faisant la différence entre la valeur initiale et celle mesurée après cinq jours.
Les mesures d’oxygène sont généralement effectuées au moyen d’analyses chimiques.« La mesure de la DBO est beaucoup plus réaliste que la DCO car les bactéries décomposent de préférence les molécules organiques des eaux usées tout en laissant intactes les molécules à longue durée de vie; au contraire, la DCO mesure toutes les molécules organiques y compris celles que les bactéries n’utilisent pas et qui ne causent pas de pollution, comme montré par l’exemple du fleuve Han », détaille Louis Legendre.
Toutefois, la méthode de la DBO s’avère plus complexe et plus longue que celle de la DCO et n’est donc pas toujours employée.
L’équipe scientifique pense que la mesure de la DBO par la nouvelle technique optique pourrait devenir la norme d’ici quelques années. Il serait ainsi possible de déterminer plus sûrement l’efficacité des mesures de lutte contre la pollution des eaux continentales et côtières.
Référence :
Correcting a Major Error in Assessing Organic Carbon Pollution in Natural Waters, Nianzhi Jiao, Jihua Liu, Bethanie Edwards, Zongqing Lv, Ruanhong Cai, Yongqin Liu, Xilin Xiao, Jianning Wang, Fanglue Jiao, Rui Wang, Xingyu Huang, Bixi Guo, Jia Sun, Rui Zhang, Yao Zhang, Kai Tang, Qiang Zheng, Farooq Azam, John Batt, Wei -Jun Cai, Chen He, Gerhard J. Herndl, Paul Hill, David Hutchins, Julie LaRoche, Marlon Lewis, Hugh MacIntyre, Luca Polimene, Carol Robinson, Quan Shi, Curtis A. Suttle, Helmuth Thomas, Douglas Wallace, Louis Legendre, Science Advances, April 14 2021
POINTS DE REPÈRE
Laboratoire d’Océanographie de Villefranche (LOV)
Sorbonne Université
Professeur Louis Legendre Emeritus Professeur, Sorbonne University, France
Fellow, European Academy of Sciences
Fellow, Royal Society of Canada, Academy of Science
Foreign Member, Chinese Academy of Sciences
• NEW Earth, Our Living Planet, Bertrand & Legendre, Springer (2021)
https://www.springer.com/gp/book/9783030677725
• Numerical Ecology, 3rd edition, Elsevier (2012)
http://store.elsevier.com/Numerical-Ecology/Pierre-Legendre/isbn-9780444538680/
• Scientific Research and Discovery, on-line edition, free
http://www.int-res.com/book-series/excellence-in-ecology-books/ee16/
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