France – Dimanche 29/11/2020 – Annick Girardin, ministre de la Mer, a publié une tribune pour rappeler qu’elle souhaite lancer une politique ambitieuse pour l’énergie éolienne en mer avec un objectif : qu’un quart de l’électricité française en soit issue en 2050. Elle rappelle ainsi ses engagements pris lors de la restitution du rapport de la commission particulière de Débat public de Normandie (CPDP Normandie) organisée le 12 novembre dernier en présence (On Line) d’Edouard Philippe ancien Premier ministre, Barbara Pompili ministre de la transition écologique, Chantal Jouanno présidente de la CNDP, Francis Beaucire président de la dite CPDP Normandie).
« Deux mille deux cent vingt-cinq pour le Royaume-Uni, 1 469 pour l’Allemagne, 559 pour le Danemark, 1 pour la France. Que représentent ces chiffres? Le nombre d’éoliennes en mer posées par pays fin 2019. Une pour la France, une, alors que notre pays possède le plus grand gisement d’énergie éolienne en mer de l’Union européenne. Or, avec l’éolien en mer, c’est bien une révolution pour la transition écologique à l’échelle planétaire qui est en cours. La Chine l’a bien compris puisqu’elle deviendra à l’horizon 2025 le premier pays au monde par ses capacités de production d’électricité par l’éolien en mer.
Pourquoi la France se tiendrait-elle à l’écart d’une telle révolution? Conservatisme, frilosité par rapport aux évolutions technologiques? Préférence pour d’autres énergies? Crainte de froisser les usagers traditionnels de la mer? Concurrence avec la pêche? Peur de dénaturer les paysages maritimes? Mise en danger des trésors de biodiversité marine? Coût faramineux? Tous ces arguments – parfois justifiés, parfois plus discutables – se mélangent, se contredisent, au point de créer du flou chez les Français. Ils peuvent avoir l’impression que les études, les controverses, les procédures judiciaires, les débats publics et autres consultations se multiplient, et que les projets tardent à se concrétiser.
En 2050, 25% de l’électricité française pourrait être produite en mer
En tant que ministre de la Mer, je mesure pleinement les enjeux. Lors de la création du ministère de la Mer cet été, le président de la République et le Premier ministre m’ont confié une mission claire : planifier les espaces maritimes français, c’est-à-dire mettre en cohérence les usages pour construire le monde maritime de demain. C’est ce que nous ferons en Normandie à la suite du débat public des derniers mois.
Il faut dès aujourd’hui arbitrer les conflits lorsque c’est nécessaire, en considérant toujours la mer comme un bien commun de l’humanité. Cependant, je me refuse à envisager des compromis concernant nos choix stratégiques. L’éolien en mer en fait partie.
Comprenez qu’en 2050, 25% de l’électricité française pourrait être produite en mer! C’est un horizon aligné avec la stratégie européenne pour les énergies marines renouvelables présentée le 19 novembre dernier. Atteindre cet objectif, c’est faire des choix, maîtriser les risques et agir dès maintenant. Pour le dire autrement, c’est être politique : écouter et tenir compte des arguments de chacun tout en donnant une traduction concrète à l’action publique.
Pourquoi soutenir le développement de l’éolien en mer?
Parce que ce sera bientôt une activité économique compétitive – le futur parc de Dunkerque ne devrait pas nécessiter de soutien public – et parce que cette activité concourt au développement territorial. A l’horizon 2050, les perspectives de chiffre d’affaires de la filière avoisinent les 10 milliards d’euros et ce sont 5 000 emplois directs, non délocalisables, liés à l’exploitation des parcs qui seront créés. Sur le plan industriel, la France est parmi les pays en pointe en Europe par ses capacités de production de turbines et de pales avec déjà près de 1 000 emplois directs. J’en veux pour preuve la commande récente de 190 éoliennes construites à Saint-Nazaire pour le plus grand parc au monde actuellement en développement au Royaume-Uni. Il ne faut pas nier ces opportunités.
En France, nous manquons de retour d’expérience ; l’expertise scientifique doit être pleinement mobilisée
Le décollage de cette aventure industrielle ne s’est pas fait sans soutien public, en particulier pour les six premiers parcs. Le coût, considérable, a été consenti en 2011-2012 alors que la filière était naissante. En 2018, le gouvernement a renégocié les contrats de ces six parcs et ramené le soutien public global de 40 à 25 milliards d’euros étalés sur les vingt prochaines années. Ces données sont publiques, vérifiées par des autorités indépendantes. Elles témoignent de l’impératif de bonne gestion publique et d’un soutien proportionné à l’éolien en mer, à l’aune de notre ambition. Concilier croissance bleue et transition énergétique n’est pas un mirage, mais bien une réalité.
J’entends aussi les critiques relatives aux incidences de l’éolien en mer sur l’environnement et les ressources pêchées. Oui, il a des impacts. Mais nous restons exigeants, en les évitant autant que possible, en les réduisant lorsqu’ils sont inéluctables, en les compensant en dernier recours.
Au Royaume-Uni ou au Danemark, les impacts environnementaux de l’éolien en mer ont été mesurés et restent modérés. Ils sont réels lors de la phase de construction mais des mesures d’atténuation permettent d’y remédier. En fonctionnement, ils sont négligeables. L’impact des éoliennes en mer sur l’environnement peut même devenir positif : un effet de type ‘récif artificiel’ sur les fondations des éoliennes a été observé. Il favorise l’augmentation locale de la biodiversité et l’abondance des espèces marines. D’autres innovations sont possibles.
En France, nous manquons de retour d’expérience. Avec Barbara Pompili, nous avons sollicité l’Agence de la transition écologique (ADEME) pour mesurer en temps réel, sur les chantiers en cours, les conséquences sociales et économiques du développement d’un nouveau parc sur un territoire.
Je prends le pari que les parcs éoliens futurs connaîtront la même renommée que le TGV ou le viaduc de Millau
L’expertise scientifique doit être pleinement mobilisée, là aussi, pour mesurer les impacts et nous apporter des solutions. A Saint-Brieuc, où les discussions sur ces sujets sont vives, je note que les protocoles de suivi scientifique ont été expertisés favorablement par l’Ifremer et que des résultats concrets doivent être prochainement discutés.
Nous savons qu’un projet industriel peut susciter beaucoup d’interrogations au moment de son élaboration et se révéler iconique au fil du temps. Le TGV ou le viaduc de Millau étaient loin de faire l’unanimité. Ils font aujourd’hui notre fierté. Je prends le pari que les parcs éoliens futurs connaîtront la même renommée. »
POINTS DE REPÈRE
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