France – Vendredi 20/07/2018 – energiesdelamer.eu. Les îles d’Ouessant et de Sein, parties prenantes de l’association des îles du Ponant, sont au cœur de plusieurs expérimentations. Les deux amendements votés par le Sénat et qui devraient l’être par l’Assemblée nationale devraient ouvrir de nouvelles perspectives.
Le vote du Sénat
Les Sénateurs ont donné leur feu vert mercredi 18/07/2018, à la construction d’éoliennes terrestres sur les territoires alimentés en électricité par des groupes électrogènes fonctionnant au fioul.
Deux amendements voisins présentés par Michel Canevet (UC, Finistère) et Joël Labbé (écologiste, appartenant au RDSE, Morbihan) au projet de loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) ont été adoptés.
« Notre pays comprend des territoires comme les îles de Sein et d’Ouessant, alimentées par des groupes électrogènes fonctionnant au fioul », expliquent Michel Canevet et Jean-Luc Fichet, (sénateurs du Finistère). « La réglementation en vigueur rend difficile la mise en place d’une production d’énergie renouvelable dans ces territoires exigus« , a ajouté Michel Canevet, en soulignant l’intérêt d’un « mix énergétique à partir d’éoliennes, de solaire et peut-être d’hydroliennes pour préserver la qualité de l’air« .
« Nous avons fait prévaloir la loi sur la transition énergétique » pour justifier cette dérogation à la loi Littoral qui ne concerne que des territoires qui ne peuvent être reliés aux réseaux énergétiques du continent. « Un exercice particulièrement délicat et « extrêmement encadrée » réservée à « des territoires de moins de 5 kilomètres de large »…. « Ces îles sont des lieux de vie, pas seulement des paysages à préserver ».
Entamé mardi, l’examen en première lecture du projet de loi ELAN déjà adopté à l’Assemblée est prévu pour durer jusqu’au 24 juillet au Sénat.
« Cette dérogation à la loi Littoral, encadrée, nous semble pleinement justifiée si l’on veut que ces îles restent des lieux de vie« , a déclaré Joël Labbé (Morbihan). Le ministre de la cohésion territoriale Jacques Mézard a donné un avis défavorable. « N’ouvrons pas la boîte de Pandore« , a-t-il dit. « Ces amendements montrent bien qu’il y a toujours une bonne raison de vouloir une dérogation ! Si on les prenait toutes en compte, il n’y aurait plus de loi Littoral« .
« Je vous rassure, ce n’est pas la mafia bretonne vertueuse qui est à l’oeuvre« , lui a répondu Françoise Gatel (UC, Ille-et-Vilaine). « Refuser toute construction, c’est condamner ces îles à la désertification! N’opposons pas la loi Littoral et transition énergétique« , a-t-elle lancé.
Points de repère
Ouessant – Molène et Sein, au cœur d’une série d’expérimentations
L’objectif retenu dans le cadre du volet Iles du Ponant de la Programmation Pluriannuelle de l’énergie (PPE) est d’atteindre 45% d’énergie renouvelable en 2023.
Les trois îles bordent le parc naturel marin d’Iroise. Il y a 1284 habitants en 2008 (Insee) sur les 3 îles Ouessant, Molène et Sein. Pour Ouessant, le nombres d’habitants à l’année est de 871, 2500 habitants l’été et l’ile reçoit jusqu’à 4000 occupants par jour (y compris les habitants permanents et secondaires).
L’association des îles du Ponant (AIP) présidée par le maire d’Ouessant et dirigée par Denis Bredin, a été lauréate de l’appel à projet de la Région Bretagne «Boucle Énergétique locale » (BEL) pour le compte des îles de Sein, Molène et Ouessant. Ce programme vise à réduire de 37% d’ici à 2018 la consommation d’énergies fossiles et les émissions de CO2.
Les actions programmées concernent la réduction des consommations, la production d’EnR, et le pilotage « intelligent des consommations », ainsi que des actions de sensibilisation et d’accompagnement des usagers résidents à l’année et visiteurs estivants.
L’AIP a aussi été lauréate de l’appel à projet national « Territoires à Energie positive pour la croissance verte » (TEPCV) pour le compte des 5 îles du Finistère : Batz, Molène, Ouessant, Sein et Saint Nicolas des Glénan.
Un programme d’intérêt général pour l’amélioration de la performance énergétique de l’habitat pour les trois communes de Sein, Ouessant et Molène, en partenariat avec l’ANAH, le département du Finistère, l’ADEME et EDF, a pris fin, en décembre 2017.
Le programme ICE, le programme SMILE (smart ideas to link energies) déposé par les régions Bretagne et Pays de la Loire, prévoit un volet « iles vertes » qui s’appuie sur les îles d’Yeu et Ouessant pour le développement des « smart grid » (réseaux intelligents).
Sein et Ouessant prévoient de mobiliser l’ensemble des énergies locales disponibles (éolien, photovoltaïque, solaire thermique et énergie marine avec l’hydrolienne Sabella) et encouragent la baisse des consommations d’énergie.
Une expérimentation de smart-grid avec l’EMS
Les deux îles sont engagées depuis 2016 dans un programme spécifique de transition, impliquant la mise en place progressive d’un mix électrique décarboné géré par un système de pilotage, EMS (Energy Management System) par EDF-SEI.
Ce logiciel d’optimisation énergétique permet de coordonner les différentes productions et le stockage en temps réel, en vue d’être autonomes par rapport aux énergies fossiles à l’horizon 2030.
L’île de Sein
Le réseau électrique de l’île de Sein, fonctionne 24h/24 grâce à deux groupes électrogènes installés au pied du phare (plus un de secours), dont la consommation annuelle dépasse les 400.000 litres de fuel auquel s’ajoute le coût du transport depuis le continent et les risques d’avaries. Au contraire de l’eau, l’électricité est vendue au même tarif que sur le continent, malgré un coût de production beaucoup plus élevé.
L’île de Sein a concrétisé le raccordement de la centrale solaire de l’Ecloserie (86,6 kWc) en 2017, et devrait profiter en 2018 de plusieurs installations photovoltaïques. Un programme de distribution d’ampoules basse consommation LEDs a permis le changement des ampoules dans tous les foyers et l’éclairage public.
Un projet éolien d’une capacité potentielle de 200 kW pourrait jour le jour, si la réglementation l’autorise après le prochain vote de l’Assemblée nationale.
Plusieurs opérateurs réfléchissent à la production éolienne sur Sein. Un projet d’EDF était en phase d’étude opérationnelle depuis septembre 2015 avec la pose temporaire d’un mat de mesure météorologique.
A terme, il comprend la pose d’une, puis de deux éoliennes. Une éolienne serait installée dans un premier temps, pour montrer la faisabilité technique du projet. La production électrique pourra être injectée sur le réseau sans risque ni besoin de stockage. Les économies attendues avec 1 éolienne sont d’environ 25 % d’électricité injectée, soit une diminution de 25 % des consommations de fioul. Une seconde éolienne pourra être installée mais le stockage, quel qu’il soit, devra dans ce cas être renforcé. Les économies attendues avec 2 éoliennes sont d’environ 50 % d’électricité injectée soit une diminution de 50 % des consommations de fioul. Ce projet pourra évoluer selon l’apport de l’énergie photovoltaïque. Le but est d’atteindre un système multi-énergies avec un stockage permettant de diminuer la consommation de fioul. A ce jour aucune programmation ne peut être envisagée en raison d’une incertitudes juridiques sur l’implantation des machines sur ce territoire insulaire aux fortes contraintes réglementaires.
La localité a également inauguré, dans son ancienne école, quatre logements sociaux à haute performance énergétique. Cette opération a été primée, à deux reprises, dans le cadre d’un appel à projets de l’Ademe sur « l’utilisation dynamique des énergies renouvelables dans le bâtiment », et son coût a été partiellement pris en charge par l’Europe (Feder), l’Etat, la Région, et le Département du Finistère. La réhabilitation énergétique des dix autres logements devrait, permettre de réduire de près de 4 % le volume de fioul consommé par le groupe électrogène.
L’île d’Ouessant
L’électricité sur l’île d’Ouessant repose principalement sur une centrale thermique de quatre groupes. Plusieurs projets photovoltaïques entrent en service cette année pour un total de 120 kWc, et un projet combinant énergie éolienne, photovoltaïque et l’hydrolienne SABELLA .
Concernant les consommations d’énergie (de 250 kW à 2000 kW selon les saisons), l’association « Les îles du Ponant » s’est engagée avec ses partenaires, l’Ademe, la Région, les Départements, les municipalités et le groupe EDF dans un plan de maîtrise de la demande en électricité comprenant comme à Sein, la distribution de LEDs, le renouvellement des appareils de froid, ainsi que la mise en place d’aides à la rénovation de l’habitat et des programmes de sensibilisation des habitants.
Le projet européen ICE, entre la France et le Royaume-Uni avec Ouessant et le campus de l’université d’East Anglia (Norfolk).
Jusqu’en 2020, le programme Intelligent Community Energy teste un ensemble de solutions de gestion de l’énergie fondées sur les technologies des smart grids, associées à une production d’énergie marine.
« L’objectif du projet ICE est de mieux intégrer la production d’énergies marines renouvelables tirées du courant du Fromveur, et de valider les modèles énergétiques autonomes ou insulaires.
Grâce aux réseaux intelligents, il s’agit de travailler sur l’injection dans le réseau de l’électricité produite par les EMR. Cela implique de résoudre les questions de stockage pour la redistribuer lors de pics de consommation, et d’associer les citoyens aux gestes d’économies d’énergie et à la maîtrise des consommations.
Les technologies smart grids apportent l’innovation nécessaire pour répondre à ces ambitions » avait déclaré Hélène Morin, chef de projets européens chez Bretagne Développement Innovation – BDI.
Les participants sont le SDEF, le pôle Mer Bretagne Atlantique et les technopoles Brest Iroise et Quimper Cornouaille. Financé à 70% par l’Union européenne (budget 5,5 millions d’euros), à 30% par les partenaires, ICE est piloté, côté anglais, par les universités d’East Anglia, d’Exeter, de Plymouth et le consortium Marine South East.
Ces centres de recherche travaillent notamment sur les technologies numériques et les capteurs qui seront testés à Ouessant. Le calendrier du projet prévoit plusieurs étapes.
2017 est consacré au volet stockage, identification des technologies et production d’énergie par hydrolienne. En 2018, nous aborderons le volet consommation et la définition du ou des modèles économiques, qui en 2019 seront transférés à d’autres sites, comme les îles de Sein et Wight. »
L’optimisation de la ressource après 2020, implique que le gestionnaire du réseau électrique puisse intégrer massivement les productions d’énergies renouvelables. Il reste encore à lever la contrainte réglementaire qui impose de ne pas injecter plus de 20% d’énergies renouvelables dans le réseau électrique pur éviter les risques de déstabilisation.
ICE complète les projets menés sur Ouessant, dont celui d’EDF SEI. Il est aussi partie prenante du projet breton et ligérien dédié aux smart grids, SMILE, sur l’intégration et le stockage des énergies renouvelables.
SABELLA et l’évolution des comportements
Pour Ouessant, SMART ISLAND vise à développer des briques technologiques permettant de mieux piloter les consommations et favoriser l’intégration d’une part croissante d’énergies renouvelables. Les fonds européens permettent le retour de l’hydrolienne Sabella dans le Fromveur. Cette expérimentation s’accompagne d’une étude sur l’évolution du consommateur d’énergie vers le « consom’acteur », c’est-à-dire la possibilité de devenir un acteur de sa consommation d’énergie en lien avec la transition énergétique.
Ce projet est piloté par le Syndicat Départemental d’Energie et d’Equipement du Finistère – SDEF, accompagné par le bureau d’étude Keynergie pour la définition du smart grid en partenariat avec EDF SEI, gestionnaire du système énergétique, et Enedis, exploitant du réseau.
L’Association des îles du Ponant – AIP, accompagne le SDEF pour le lien avec les îliens qui s’inscriront dans cette démarche, ainsi que par des universitaires britanniques.
Dès la remise à l’eau de l’hydrolienne Sabella, une expérimentation sera menée par EDF-SEI, ENEDIS et l’AIP pour décaler les consommations sur les périodes de production de l’hydrolienne qui varient en fonction des marées ou des panneaux photovoltaïques.
Les heures creuses / heures pleines seront dès lors calées sur les marées et le soleil plutôt que sur des horaires fixes. Il sera donc possible de piloter les ballons d’eau chaude ou de programmer son lave-linge ou son lave-vaisselle pour privilégier l’énergie hydrolienne ou solaire.
Un bilan de toutes ces actions sera fait le 7 septembre 2018 et se poursuivra par le mois de l’énergie sur Ouessant avec un programme d’animation et de sensibilisation.
Concours d’agenda, mercredi dernier, le SER a demandé qu’un 1er appel d’offres commercial pour l’hydrolien soit lancé ICI.
Sources : Mairies d’Ouessant, de Sein, Association des îles du Ponant, AFP, Sénat, SMILE (smart ideas to link energies), EDF-SEI, API, energiesdelamer.eu.
Publicités Google :