QUIMPER – (France – U. E) – 11/12/2009 – 3B Conseils – La société quimpéroise SABELLA SAS  qui avait immergé en avril 2008 la première hydrolienne sous-marine française devant Bénodet (cf. notre portfolio dans la colonne de gauche du blog) poursuit aujourd’hui le développement de sa technologie d’hydrolienne, dans un contexte français qui déclare vouloir s’éveiller en matière d’énergies marines. Après une année entière d’essais, SABELLA SAS, a relevé au printemps 2009 sa petite machine-pilote Sabella D03 et a capitalisé de nombreux enseignements pour valider son concept et commencer à travailler sur une tête de série industrielle. Les résultats acquis lors des campagnes du pilote Sabella D03 ont donné un avantage concurrentiel certain à SABELLA. A ce propos Jacques RUER, directeur technique de la compagnie, déclare : « Le retour d’expérience est primordial dans cette aventure d’exploitation des courants, et les essais réalisés ont permis de se frotter aux conditions réelles de mise en oeuvre d’hydroliennes. Ceci nous amène à valider des choix technologiques, à identifier des défauts ou des voies d’optimisation, à confirmer la grande neutralité environnementale de cette technologie et à projeter les conditions d’exploitation et de maintenance futures. Les projets qui n’ont rien immergé à ce jour ne se sont pas confrontés à l’univers sous-marin. »
SABELLA était présent lors du 3rd Tidal Energy Summit, qui s’est tenu à Londres les 17 et 18 novembre 2009 et a affiché sa technologie sur un stand très fréquenté. Cela a permis aux  participants, en grande majorité anglo-saxons, de découvrir que la France est un acteur à considérer sur l’échiquier de l’hydrolien. De retour de ce symposium, Jean François Daviau, président de SABELLA SAS, avait commenté : « Ce congrès nous a permis d’apprécier que l’avance des compétiteurs, qui s’affichent aujourd’hui comme leaders, n’est pas aussi manifeste, et que leurs premières démonstrations, certes prouesses technologiques, les enferment dans leurs concepts originaux, peu compatibles avec les solutions économiques de demain. (…) L’industrie hydrolienne reste à mon sens très ouverte aux différents acteurs en présence, mais certains devront faire des « re-engineering » profonds pour rester compétitifs. D’autres devront comprendre et accepter que le marché de l’hydrolien est une niche où les sites de courants sont en mer ouverte en présence d’une houle fréquente qui perturbe et fatigue les hydroliennes, et que les vitesses rencontrées sont plus souvent d’un maximum de 2m/s que des vitesses très rarissimes de 4 ou 5m/s. »

LA SABELLA D03

Pour ceux de nos lecteurs qui auraient manqué un épisode, reprenons l’aventure à son début.  SABELLA SAS a  commencé à développer la technologie d’hydroliennes Sabella pour la production d’électricité par exploitation des courants de marée dès l’an 2000 avec la création du bureau d’étude Hydrohelix Energies fondé par Jean-François Daviau, actuel PDG de SABELLA SAS. Son projet initial « Marénergie » a été labellisé par le Pôle Mer Bretagne en décembre 2005. L’entreprise a été soutenue financièrement par la Région Bretagne et d’autres collectivités territoriales, ainsi que par l’Ademe, et du point de vue technique par l’Ifremer. Le Consortium SABELLA a conçu et mis à l’eau la 1ère hydrolienne sous-marine française baptisée Sabella D03 en mars 2008 dans l’embouchure de l’Odet (Finistère). (cf nos articles conscarés à cet évenement  ICI et ICI). Pour mettre au point ce prototype d’hydrolienne le Consortium avait qualifié et choisi les principaux fournisseurs bretons suivants : DCNS, ENAG et FMC (Florian Madec Composites). Lors de sa remontée, en avril 2009 après une année d’immersion, la Sabella D03 ne montrait pas de trace d’usure particulière sur la structure, pas plus que de corrosion. « La machine s’est parfaitement comportée et est remontée en parfaite intégrité mécanique. De même les choix électrotechniques ont été bons » nous confirme Jean-François Daviau.
La remontée de la DO3 a permis de constater que la problématique des hydroliennes résultait plutôt dans le contrôle du biofouling (cf. photo de la D03 ci-contre après une année de séjour sous l’eau. Cliquez sur la photo pour agrandir).  Pour Jean-François Daviau :  « Même si nous privilégierons le fait de laisser le vivant reconquérir rapidement les structures statiques et devenir un récif artificiel, il faudra maîtriser le fouling sur le rotor au risque de dégrader fortement ses performances de captage. Dans le même esprit que nous travaillons avec l’Ifremer à la qualification d’un procédé anti-fouling ayant une longévité d’efficacité de l’ordre de 10 ans. Il ne s’agit pas de « caréner » les hydroliennes comme les voiliers : tous les ans. Le modèle économique n’y résisterait pas. »

LA SABELLA D10 

Fort de ses résultats, SABELLA SAS décide alors de poursuivre le développement industriel de sa technologie avec la conception d’une machine préindustrielle : la Sabella D10, d’une taille beaucoup plus conséquente que la D03 puisque son diamètre est de 10 mètres. Le 15 octobre 2009,  dans le but de  soumissionner à l’Appel à Motivation d’Intérêt (AMI) lancé par l’Ademe pour une aide au financement de premières machines industrielles à partir du fonds « Démonstrateurs Energies Renouvelables », SABELLA réunissait autour de son programme Sabella D10, qui se veut résolument collaboratif, de grands industriels et institutions. On pouvait y trouver Véolia Environnement (pour son expertise dans les éco-bilans, le cycle de vie de l’hydrolienne, les performances énergétiques et le dessalement), Ifremer (pour son expertise technique en matière d’acoustique, de modélisation, d’hydro-dynamique, de biofouling, de vieillissement des matériaux), le Bureau Veritas (pour l’accompagnement vers la certification et pour la qualification et la garantie des process) et le distributeur français d’électricité Direct Energie, qui pourrait intervenir en partenariat au développement projet comme maître d’ouvrage.
 Au sujet de la candidature à l’AMI de l’Ademe, Jean-François Daviau tient à préciser : « La réponse de SABELLA à l’AMI s’inscrit pleinement dans une logique de lancement d’une filière industrielle hydrolienne en y adressant les différents aspects prospectifs : industrialisation, infrastructures portuaires et de travaux maritimes, exploitation, maintenance, intégration énergétique.« 
L’hydrolienne Sabella D10 se trouve-t-elle parmi les 19 projets sélectionnés, autour desquels l’Ademe laisse toujours planer un épais mystère ? Le projet présenté en tout cas est constitué de deux phases consécutives de démonstration permettant tout d’abord de construire, implanter et tester sa tête de série sur un site de courant. Le site d’essai de D10 pourrait se situer soit à Ouessant, soit à  Bréhat soit aux Orkney Islands à l’European Marine Energy Centre (EMEC). Il s’agit ensuite de travailler sur un schéma d’aménagement d’une première fermette de 4 machines « D10 » qui s’appellerait EUSSABELLA et serait implantée sur Ouessant (cf. simulation d’artiste en tête d’article).  Dans cette optique, nous sommes en mesure d’annoncer, après une discussion récente que nous avons eue avec Jean-François Daviau, que c’est le distributeur d’électricité Direct Energie qui deviendrait à terme l’exploitant d’EUSSABELLA. Cette seconde phase va conduire à optimiser l’implantation de plusieurs machines, à vérifier leur faible empreinte sur l’environnement et sur les activités marines autres, à caractériser en situation réelle les conditions d’exploitation, de pilotage et d’intégration de la production d’une ferme hydrolienne sur le réseau.
Pour conclure, le PDG de SABELLA insiste sur le fait que : « Alors que des grands noms de l’industrie française, percevant leur retard sur le terrain de l’hydrolien, vont promouvoir des technologies sous licences étrangères, et sollicitent des subsides sur des fonds publics français, le projet SABELLA présenté à l’AMI est emblématique d’une technologie native de l’hexagone avec un contenu 100% national (90% régional). De même SABELLA s’appuie sur un premier pilote « D03 » pour proposer un démonstrateur pré-industriel, comme requis par l’appel à projet de l’ADEME. Certains soumissionnaires, n’ayant encore rien immergé, présentent, quant à eux, des premiers prototypes. Forts des préceptes de simplicité technologique que nous avons appliqués à notre développement, nous nous positionnons aujourd’hui avec un coût du premier MW installé de l’ordre de €7M, hors liaison à la côte. Ceci est un facteur majeur de différenciation vis-à-vis de certaines technologies concurrentes dont le coût du premier MW se situe entre 10 et 14M€. Certes, il nous faudra atteindre un coût ciblé de 3 à 3,5M€/MW lorsque la filière industrielle sera mature. Mais l’objectif est plus facilement atteignable en partant d’un premier coût plus compétitif. »

UNE PROBABLE DESTINÉE PLANÉTAIRE POUR SABELLA D10

SABELLA s’interrogeait, il y a encore peu, sur son besoin de capitalisation pour être éligible à l’AMI. Plusieurs fonds d’investissement ont confirmé à l’entreprise leur accompagnement en fonds propres conditionné à l’octroi d’un soutien du fonds « Démonstrateurs ». D’autre part, la technologie bretonne a été remarquée par des industriels nord américains et un partenariat a été formé notamment avec le  CHIQ (Centre Hydrolien Industriel Québéquois) pour créer SABELLA INC. dans le but d’être présent et de commercialiser la solution hydrolienne française sur les trois continents américains (cf. Le Télégramme ICI). De même des intérêts financiers internationaux ont ciblé la technologie SABELLA pour la promouvoir dans un domaine d’application spécifique dans l’hémisphère Sud en substitution d’infrastructures existantes de production électrique très onéreuse. Cela pourrait conduire Sabella à s’orienter vers le développement d’un modèle énergétique insulaire, qui est sans doute une niche de marché plus aisément accessible au regard du coût de l’énergie électrique d’origine thermique produite sur ces îles.

On le voit la bataille fait rage mais Sabella se défend plutôt bien, très bien même.  Et non seulement elle a tout d’une grande, mais c’est une grande !

Article : © Francis ROUSSEAU

Docs. Sites liés. Photo 1 : Fermette de 4 Sabella D10 ©SABELLA SAS 2009.  Photo 2. Sabella D03 lors de sa remontée en avril 2009 ©SABELLA SAS. Photo 3: Sabella D10 © SABELLA SAS

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