BOSTON – (Massachusetts – Etats-Unis) – 05/11/2009 – 3B Conseils -Selon le média en ligne Boston.com (ICI) le tout premier projet éolien offshore américain sur le point d’aboutir, le projet Cape Wind qui prévoit d’installer 130 turbines éoliennes dans le Nantucket Sound au large de Cape Cod, Martha’s Vinyard et Nantucket, risque à présent d’être considérablement retardé par l’opposition de deux tribus indiennes du Massachusetts, les Aquinnah Wampanoag et les Mashpee Wampanoag, qui viennent précisément de revendiquer le site en mer de Nantucket Sound comme un bien cultuel et culturel indien. L’opposition des indiens qui convoquent le religieux et la tradition ancestrale au beau milieu du débat éolien est inédite, en tout cas en mer. Ces deux tribus du Massachusetts affirment que les 130 éoliennes proposées sur Nantucket Sound perturberaient les cérémonies de salutations rituelles au soleil et envahiraient les territoires ancestraux dédiés aux défunts. Le problème a commencé à se poser dès 2004, au moment où l’une des tribus, celle des Mashpee Wampanoag, avait signalé aux fonctionnaires fédéraux que le site de Nantucket Sound était « essentiel à son bien-être spirituel ». Il est en effet d’usage dans la culture Mashpee de saluer chaque jour le lever du soleil par des rites sacrés qui se portent à l’est donc, sur les rives du détroit de Nantucket. Précision importante : ce rituel exige d’être pratiqué avec « une vue dégagée ». De plus, la même tribu a rappelé que ses ancêtres chassaient, marchaient, vivaient et mouraient sur le fond marin de Nantucket Sound il y a plusieurs milliers d’années déjà, alors que ce fond marin était encore la terre ferme. « Nos ancêtres sont enterrés là », a affirmé catégoriquement M. Green porte-parole des Mashpee Wampanoag.
L’autre tribu, celle des Aquinnah Wampanoag, a fait savoir qu’elle était connue à Martha’s Vineyard depuis des temps immémoriaux comme « le Peuple de la Première Lumière », c’est-à-dire le peuple qui vénérait aussi le lever du soleil.
Les deux tribus, Aquinnah et Mashpee, alliées pour la circonstance au principal groupe d’opposition au projet Cape Wind, font pression pour que le site entier soit inscrit comme site culturel traditionnel dans le National Register of Historic Places, le registre national des sites historiques américains. Un tel classement n’arrêterait pas nécessairement l’implantation du projet, mais le rendrait à coup sûr beaucoup plus lourd à mettre en place en multipliant les demandes administratives. De nombreux observateurs locaux font remarquer que même si les arguments des tribus ont peu de chances d’être pris en compte par l’État, la question restera sans doute en suspens jusqu’à ce qu’une décision définitive sur tout le site de Cape Wind soit prise par le secrétaire à l’Intérieur, Ken Salazar. Ce dernier a affirmé avant-hier, sur le site meme de Cape Wind (ICI), qu’il prendrait sa décision avant la fin de cette année (des sources officieuses disant à la mi-novembre).
Pour corser le tout, deux administrations affichent des positions antagonistes sur les doléances des tribus indiennes. L’une, l’organisme fédéral chargé d’examiner et d’accorder les permis de Cape Wind, soutenant que les eaux fédérales ne sont pas éligibles à l’inscription au répertoire historique ; l’autre, le Minerals Management Service(MMS), déclarant avoir « pris conscience de l’obligation de se prononcer sur la question de l’éligibilité de ses sites au répertoire historique ». Mais l’affaire ne s’arrête pas là : ce serait trop simple ! Dans le cas où les sites seraient éligibles, il appartiendrait alors à une troisième administration l’US National Park Service de régler le différend. Cela aurait pour effet de provoquer des retards de plus d’un an dans le scénario d’installation du premier parc éolien en mer américain.
Ce bras de fer entre les indiens, les associations et l’industrie éolienne américaine sur le site de Cap Wind est observé avec beaucoup d’attention par tous les autres développeurs éoliens en mer ayant des projets en Amérique du Nord. Le précédent qui pourrait être créé, si les 560 miles carrés du site en mer de Nantucket Sound étaient répertoriés comme « grand site national », inquièterait même la puissante American Wind Energy Association (AWEA). Concrètement, selon plusieurs experts qui ne sont pas tous forcément des sympathisants du projet Cape Wind, les 130 éoliennes ne nuiraient en rien à la vue sur le lever du soleil. D’autres part, les fouilles archéologiques menées depuis longtemps déjà sur le site de Nantucket Sound ont révélé qu’il y avait bien à l’emplacement de la mer actuelle, il y a plusieurs milliers d’années, une forêt qui a été submergée sous six pieds de boue, mais aucun signe de camps amérindiens ou d’autres signes de vie humaine n’y auraient été retrouvés. Le Minerals Management Service a estimé, quant à lui, dans un rapport de 2008, que l’impact environnemental du projet Cape Wind toucherait peut-être trois sites historiques mais que ces sites n’étaient pas des sites Wampanoag. Le MMS avait alors pris la précaution oratoire de déclarer que c’était la première fois dans l’histoire qu’il lui était donné de mener une telle procédure d’autorisation de projet d’énergies renouvelables en mer et qu’il mettrait un point d’honneur à ce que « cela se fasse d’une manière écologiquement et techniquement responsable, ceci incluant de vastes consultations auprès des communautés locales ».
De leur côté, les partisans du projet sont perplexes sur les réelles intentions des tribus. Certains n’hésitent pas à parler de ruses – non pas de sioux dans le cas précis mais de Wampanoag donc! – visant finalement à permettre aux tribus d’ériger elles-mêmes les parcs éoliens. Dennis Duffy, vice-président de Cape Wind Associates a déclaré : » Ne trouvez vous pas bizarre que les indiens soulèvent cet argument tout en proposant dans le même temps leur propre projet d’énergie éolienne sur les terres tribales désignées comme site historique ? «
Hugh ! Qu’on se rassure la hache de guerre n’est pas prête d’être déterrée, même si elle a la forme d’une pale d’éolienne !
Article : Francis ROUSSEAU
DDocs : sites liés. Photos 1. Carte du site et du parc éolien offshore de Cape Wind 2. Carte des territoires tribaux de Nouvelle Angleterre © Wikipedia
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